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Prince Joachim Murat : « Napoléon appartient à l’histoire de l’humanité »

Interview du Prince Joachim Murat à Valeurs Actuelles donnée en 2023 à l’occasion de la sortie du film « Napoléon » de Ridley Scott.


Valeurs actuelles. Le Napoléon de Ridley Scott sort en salles, ce 22 novembre. Vous avez assisté à l’avant-première. Qu’avez-vous pensé de la superproduction américaine de Ridley Scott ?

Prince Joachim Murat. Visiblement, les exploits de Murat n’ont pas été suffisamment retentissants pour trouver grâce aux yeux de Ridley Scott (rires). D’un point de vue historique, le film paraît à certains égard à côté de la plaque sur certains éléments de la vie de Napoléon. Mais pour rappel, le long-métrage ne dure que 2 heures et demi. D’un point de vue cinématographique, c’est du très grand et très beau spectacle. Vous en prenez plein les yeux. Malgré les approximations historiques, il ne faut pas bouder son plaisir. Les scènes de bataille, pour ceux qui aiment les tactiques napoléoniennes, c’est pareil. Le parti pris de Ridley Scott est de redonner vie à la grandeur de l’épopée napoléonienne. Je pense que ce film est une très bonne passerelle pour redécouvrir Napoléon et inciter les plus curieux à ouvrir un livre d’histoire.

Un engouement inédit accompagne la sortie de ce film. Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt deux cent ans après la mort de l’Empereur ? 

Il y a toujours eu un intérêt autour du personnage de Napoléon. Il fascine car il y a quelque chose de messianique dans son épopée. Sa vie est une véritable tragédie grecque, pleine de rebondissements. C’est un homme qui a une chance absolument insolente et un génie dans à peu près tous les domaines. Napoléon va offrir quelque chose qui parle à tout le monde dans l’inconscient collectif : la méritocratie. Jean Lannes, fils de Tonnelier, devenait ainsi maréchal et prince de France. Une phrase résume bien tout cet engouement autour de Napoléon, « l’impossible n’est pas Français ».

En tant qu’héritier du maréchal Murat, que représente pour vous la figure de Napoléon ?
C’est mon moment (rires). L’histoire de Murat est aussi incroyable et dynamisante que celle de son Empereur. La réussite de Murat, comme sabreur et cavalier intrépide de la Grande armée, tient à trois choses : sa personnalité, sa force physique et son audace. À quarante ans, alors qu’il est riche et célèbre, roi de Naples et beau-frère de l’Empereur, il continue de combattre en première ligne. Napoléon représente aussi à ce titre, l’audace et le panache. Si vous êtes malade ou dépressif, j’ai un remède efficace : une dose de Napoléon matin, midi et soir. Napoléon c’est de la vitamine pure. Tout le monde peut trouver son inspiration dans l’entourage de l’Empereur. Ney, Chaptal, Vidocq… Ces des personnalités complètement incroyables peuvent largement servir d’exemple à la jeunesse française.      

Qu’est-ce-qui fait de la figure de Napoléon Bonaparte, un symbole fort de l’histoire de France ou au contraire de division pour notre pays ? 

Aujourd’hui, tout ce qui fait la grandeur de la France est attaquée par cette intelligentsia néo-stalinienne, adepte de la déconstruction et de la repentance. Napoléon est aujourd’hui le personnage le plus célèbre de l’histoire de France et son parcours mondialement connu. Donc forcément, il est le plus exposé, le plus critiqué. Napoléon est celui qui, dans sa personne et dans son action, synthétise la totalité de l’héritage français. Il embrasse toute l’histoire de France et en prend tout son héritage de Clovis au comité de salut public. Son histoire demeure un symbole fort de notre unité nationale, renforçant plus que jamais le sentiment de fierté pour notre pays.

Que répondez-vous aux critiques du mouvement « woke » qui accuse l’Empereur d’être raciste, despotique ou misogyne ?

Aux détracteurs de l’Empereur, je leur recommande la lecture de l’ouvrage Pour Napoléon (Perrin) de Thierry Lentz. Ils verront que leur argumentaire est risible et mensonger. Malheureusement leur discours est très influent aujourd’hui. Il y a quelques années, ce genres d’inepties suscitaient le ricanement des spécialistes. Il est totalement injustifié de superposer les critiques des valeurs de notre temps à la vie quotidienne du XIXe siècle. Dire qu’il est misogyne ou raciste, est totalement faux. Napoléon a avant-tout établit l’égalité civile entre tous les citoyens. Napoléon, son problème, c’est l’efficacité. Quelle que soit votre couleur de peau, si vous êtes efficace, vous étiez le bienvenue.

Comment analysez-vous l’héritage de Napoléon pour la France ?

La France doit être fière de compter un personnage comme Napoléon. Il nous a légué tout un héritage institutionnel. Napoléon c’est aussi l’émancipation, permettant l’égalité de tous devant la loi. On a l’impression que c’est presque normal. Mais il y a deux cent ans,, ce concept n’existait pas. Les conquêtes de l’Empire ont permis à l’armée française, encore aujourd’hui, d’être l’une des plus belle et efficace au monde. La gloire, la grandeur, le sentiment d’émancipation à l’échelle planétaire, les valeurs libérales, voilà tout ce qu’on lui doit. Son image, très appréciée à l’étranger, continue de mettre l’histoire de France dans la lumière.

Au regard des critiques contemporaines, doit-on bannir l’épopée Napoléonienne des livres d’histoire ? 

Il faut étudier l’épopée napoléonienne sous tout ses aspects. Cette histoire permet de faire des allers et retours permanents dans le temps. L’héritage napoléonien permet de comprendre l’époque d’Ancien régime, les bouleversements de la Révolution, la monarchie de Juillet et le Second empire. Étudier ce prisme le plus complet de l’histoire de France, à travers un regard napoléonien permet, de comprendre les évolution successives de notre pays. Cette période, j’insiste, est aussi le seul véritable moment méritocratique de toute l’histoire de l’humanité.

Que représente, donc, la période du Ier empire dans l’Histoire de France ? Et qu’est-ce-qui fait que cette épopée a contribué à autant marquer notre histoire nationale ? 

Incontestablement, il y aura un avant et un après Premier empire. En 1789, toute l’Europe est monarchique. Mais une bombe nucléaire bouscule cet équilibre, la révolution française. Au milieu de ce chaos arrive un personnage stabilisateur, Napoléon Bonaparte. C’est lui qui va vaincre ces monarchies obscurantistes, qui se reposaient sur un système de lignage héréditaire. Le premier accomplissement de Napoléon est donc de réussir à réunir les Français entre eux. Il va imposer l’égalité devant la loi pour tous, y compris en Europe, et ce notamment à la tête de sa Grande armée. Puis, mettre sur les trônes des monarchies européennes, des Bernadotte, des Lannes, des Murat, qui vont montrer leur véritable valeur. Ils sont éduqués, cultivés et doté d’une véritable capacité d’analyse politique. Napoléon a considérablement modifié, et ce pour plusieurs siècles, les destinées de la France et de l’Europe.   

Peut-on être Bonapartiste en 2023 ?

Il faut être Bonapartiste, particulièrement en 2023. Le Bonapartisme se fonde sur une souveraineté nationale et populaire. Cette « idée » se traduit par une volonté d’action politique pour rétablir l’ordre. L’ordre vise à respecter l’autorité de l’État et protéger l’intégrité de ses agents sur l’ensemble du territoire. Le Bonapartisme défend aussi l’indépendance de la justice et l’application des peines. Enfin, réformer, avec le soucis de vouloir améliorer la vie de son pays.

Pourquoi nos responsables politiques se revendiquent plus facilement de Maximilien Robespierre ou de Charles de Gaulle, plutôt que de Napoléon ?

En politique, si vous prenez Napoléon pour référentiel, vous allez immédiatement vous mettre une gigantesque cible sur le front. La gauche vous rappellera immédiatement l’esclavage, la misogynie ou le racisme supposé de l’Empereur. Dans le logiciel politique actuel, il faut prendre des figures dîtes républicaines. Donc quelle est la figure républicaine la proche de la vision de Napoléon ? Le général de Gaulle. Le Gaullisme est un Bonapartisme modernisé. Quand les politiques s’approprient de Gaulle, ils évoquent le libérateur de 1944 et le réformateur institutionnel de 1959. De Gaulle est vu comme l’homme de la souveraineté et des référendums. Quant à la gauche qui prend Robespierre comme référentiel, bon courage à eux pour susciter une once d’engouement populaire. Robespierre est un anti-Napoléon, qui a utiliser la colère de son peuple pour assoir un pouvoir odieux et sanguinaire.

Deux cent ans après sa disparition, comment Napoléon a-t-il réussi a construire son propre mythe et ainsi faire perdurer son image à travers les âges ?                  

Napoléon aurait fait fortune dans le marketing et la communication. Il maîtrise son image comme personne. Sous le Premier empire, il y une production artistique démentielle. La peinture, le mobilier, l’architecture, la sculpture, tout porte le sceau napoléonien. Les bulletins de la Grande armée, écrits par Napoléon, louangent ses propres exploits militaires. Vous connaissez l’adage, l’histoire est écrite par les vainqueurs. Lui, est le seul vaincu à avoir écrit sa propre histoire. Le Mémorial de Sainte-Hélène est une oeuvre de fiction pure. Elle contribue à faire de l’Empereur une figure messianique. Cet ouvrage redéfini totalement l’univers napoléonien. Lui n’a pas fait d’erreur et avait une vision pour l’Europe L’iconographie napoléonienne a fait de lui un personnage incontournable de l’histoire de l’humanité.

Pourquoi subit-il un procès mémoriel permanent ?  

Napoléon est le plus connu, tout simplement. Il est flamboyant et audacieux. Les qualificatifs manquent pour évoquer toute sa vie. La gauche s’attaque à lui car ils ne peuvent pas se l’approprier, en raison de leurs dogmes idéologiques. À un Napoléon héroïque, ils préfèrent des révolutionnaire fait d’une espèce de robinet d’eau tiède. C’est leur choix, mais les Français, eux, ne sont pas dupes.

Et si Napoléon revenait… Que penserait-il de notre société actuelle ?

Je pense qu’il s’assiérait. Il prendrait sa tête dans ses mains et dirait « pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Si vous deviez retenir deux faits marquants de l’épopée Napoléonienne et du maréchal Murat qui vous ont marqué ?

Murat écrivait des poèmes. C’est un élément que l’on ignore souvent sur sa vie. Il a une image d’Épinal de rustre et d’inculte. Quand il écrivait à l’Empereur, il pouvait accompagner ses courriers de citations de Pierre Corneille. Il faut imaginer mon Murat sur le champs de bataille, l’uniforme recouvert de sang, rédigeant des poème très fleur bleue sur les jardins à l’italienne. Tout le monde associe Murat à la célèbre charge d’Eylau. Murat l’a aussi fait à Iena, en 1806. Déjà, il charge à la cravache. Il commande plusieurs assauts contre les positions prussiennes. Le général Junot devient fou et ne veut pas charger. Murat prend le commandement des hommes de Junot et part seul mener la charge, dans son uniforme flamboyant. Il s’élance tout seul sur les carrés prussiens. La surpris est totale dans les rangs français en voyant Murat chargé tout seul, je rappelle, à la cravache. Les cavaliers le suivent mais ont plusieurs mètres de retard. Et puis Murat, tout seul, perce un carré prussien et déstabilise la position adverse. Sacré Murat, il mériterait bien un film.